La forêt bienveillante

© Renaud Rindlisbacher

Je crois que la forêt me fait changer d’échelle. Dans notre monde actuel, et plus encore dans notre monde urbain, je dirais que tout est à la mesure de l’homme.
La forêt nous plonge dans un monde qui nous dépasse. Les arbres sont plus hauts que nous et, de ce pont de vue, ils renvoient à l’enfance, où nous étions dépassés par le monde adulte, par nos parents. Je crois qu’il est bon que nous retrouvions de temps en temps cette mesure-là: elle nous rappelle que, si l’homme est d’une certaine manière au centre du monde, il y a toujours dans le monde des choses qui nous dépassent. Et cela, c’est une expérience que nous faisons très simplement en marchant dans une forêt. On est entouré de présences qui nous dépassent.

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C’est en effet une forêt bienveillante. On y fait l’expérience d’une sorte de bonté mystérieuse, de bonté réservée. Peut-être parce que, en marchant dans une forêt, on a la sensation qu’on écoute – on est attentif au bruit d’une feuille, d’un animal qui passe – mais aussi la sensation d’être écouté, sensation difficilement justifiable. On a l’impression d’un rapport mystérieux avec ce qui nous entoure, et ce rapport mystérieux n’est pas marqué, en effet, par l’hostilité.

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La marche en forêt, pour moi – c’était vrai à l’adolescence, et ça le reste aujourd’hui – est toujours une sorte de quête. Cette quête peut avoir un but précis : on peut aller dans la forêt pour ramasser des champignons… Mais la marche en forêt nous donne toujours cette impression d’être une marche pour trouver quelque chose, même si on revient d’une promenade les poches vides. Cette quête essentielle, ici je m’aperçois que c’est la quête d’une renaissance.

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Arbres

Les arbres restent toujours nos parents
et nous marchons à côté d’eux
dans l’ombre et la lumière
tandis qu’ils regardent un peu plus loin
vers l’avenir tout proche
murmurant sur le monde au-dessus de nos têtes
des paroles encore insaisissables.

– Jean-Pierre Lemaire, Les arbres et le ciel, Éditions LIENART